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Directeur de toutes les opérations financières de l’entreprise, le CFO (Chief Financial Officer ou directeur financier) exerce une fonction capitale, transversale, en pleine mutation et très diverse selon les secteurs d’activité. Explications.
Quelles sont les missions d’un CFO ?
Diriger une entreprise sur le plan financier c’est cumuler en permanence quatre activités, explique Luc Oesch, CFO du Centre Patronal : la performance, la croissance, le respect des lois et la gouvernance. Autrement dit, un métier de jongleur de haut vol !
« Ce que j’aime dans mon quotidien ? Sa polyvalence extrême », résume Yvan Cardenas, CFO de Swissquote, banque suisse spécialisée dans la technologie, en pleine croissance.
Assurer la performance
Le tout premier but d’un CFO ? « Que l’entreprise ne manque pas de liquidités ! », explique Martin Hedman, qui a exercé cette fonction dans l’industrie et conseille aujourd’hui des entreprises et des startups dans le domaine.
« Son but premier est donc de comprendre dans les moindres détails comment l’entreprise génère des liquidités, ce qui l’oblige à être proche de toutes les fonctions de la société ». À travers les flux financiers, un CFO connaît son organisation comme sa poche.
Veiller à la croissance
Parce qu’il est le « garant de la santé financière de la société », le CFO est aussi l’acteur clé de sa croissance, explique Yvan Cardenas. Le CFO est en effet très impliqué dans la gestion des budgets, les dépenses. Mais c’est aussi « l’interlocuteur privilégié des investisseurs » à qui il peut indiquer les enjeux financiers de la structure : son budget marketing, sa masse salariale, etc.
L’enjeu est de « percevoir toutes les sensibilités pour savoir où mettre le curseur », explique le dirigeant. Car des décisions budgétaires internes peuvent avoir des impacts très rapidement néfastes sur la croissance future.
« Lorsque les salaires ne sont pas revus à la hausse régulièrement, le risque, selon le secteur d’activités, est de perdre des compétences précieuses et de voir sa croissance ralentie par un turn-over très fort », détaille par exemple le CFO. Ce qui contrecarre l’idée d’un directeur financier uniquement intéressé par la réduction des dépenses. Sa fonction est intrinsèquement stratégique.
Respecter l’environnement légal
Selon le secteur d’activités, la ‘compliance’ est un mal nécessaire ou domaine particulièrement stratégique. Pour une banque cantonale, par exemple, elle sera centrale. Et son CFO sera particulièrement impliqué par son respect. Dans l’industrie, où la gestion des liquidités est plus capitale, il pourra déléguer le respect des normes à une personne spécialisée, cheffe des risques, mais il lui appartiendra toujours de trancher et de superviser ce domaine avec discipline.
« Dans le domaine légal, l’enjeu c’est la rigueur. Il faut respecter les deadlines de reporting, veiller aux détails, et surtout liquider les transactions au plus vite, car les laisser ouvertes peut entraîner des complications », pointe Martin Hedman.
A lui aussi de poser dès le départ un cadre suffisamment sécurisé et des garde-fous qui garantissent que la « compliance » ne consiste qu’à contrôler et ne pas réparer les dégâts !
Le contrôle interne peut être purement financier ou aller bien plus loin en y ajoutant la notion d’efficience de certains processus. Le secteur s’est particulièrement développé ces dernières années, jusqu’à devenir une culture propre, au même titre que la cybersécurité, qu’il importe de faire comprendre et partager au sein de chaque organisation, en fonction de son degré de risques.
Assurer la gouvernance
Un élément est essentiel pour définir le rôle du CFO en matière de gouvernance : « préciser dès le départ ce qu’un CFO peut effectivement décider seul : contrats à signer, jusqu’à quels montants ? Les embauches ? », pointe Martin Hedman.
Par essence, la fonction de CFO implique de prendre des décisions, et parfois très rapidement, « quitte à les regretter », remarque Yvan Cardenas. L’enjeu est de pouvoir argumenter. « Parfois, ne pas décider c’est déjà décider. D’autres fois, il faut savoir temporiser. Mais la plupart du temps il n’y a pas de solution parfaite, plutôt des compromis complexes. L’enjeu est de pouvoir s’appuyer sur une équipe solide en qui on a une totale confiance », poursuit Yvan Cardenas. L’expérience et le réseau sont précieux pour pallier ces décisions et jeux d’équilibristes qui sont le quotidien du CFO.
Sur qui ou quoi peut-il s’appuyer ?
Une équipe solide, de confiance est indispensable au CFO qui pilote une série de domaines à la fois. « Il faut faire confiance au jugement de ses collaborateurs. S’ils prennent des décisions qui ne sont pas les meilleures, il faut comprendre qu’intellectuellement on aurait également pu arriver à cette conclusion. La nonchalance n’est cependant pas permise dans une équipe financière, chaque négligence a un coût, qui peut parfois être cher et s’exercer sur la durée », explique Yvan Cardenas.
Autre ressource : les outils digitaux. Le métier de CFO a en effet été fortement marqué par la digitalisation, observe Martin Hedman qui a exercé dans le secteur durant des décennies. « On se base davantage sur un système, plutôt que de comprendre soi-même certains mécanismes.
C’est un avantage, car certaines tâches sont automatisées. Mais il faut rester extrêmement vigilant quant à la cohérence des informations reçues et conserver le recul quant à leur analyse. Parfois les indicateurs fournis par ces nouveaux outils sont très nombreux. L’essentiel est de définir ceux qui sont significatifs pour son organisation et sa stratégie et de s’y tenir », pointe Martin Hedman.
La digitalisation offre plusieurs technologies incontournables aujourd’hui : cloud, blockchain, big data, intelligence artificielle. Autant d’outils sur lesquels un CFO doit pouvoir s’appuyer. « L’I.A en particulier permet d’automatiser et de sécuriser des tâches répétitives », explique Luc Oesch.
« Quatre technologies qui impactent le métier de CFO » par Luc Oesch
Jusqu’ où se projeter ?
« Plus on est haut au sein d’une hiérarchie, plus il faut vivre dans le futur. Un CEO agit sur trois ans, un CFO sur un horizon d’un an et demi, selon la taille de l’entreprise et l’industrie concernée », estime Martin Hedman. Et qui dit projection, dit capacité à comprendre le secteur d’activité, l’environnement économique, géopolitique…que la société soit petite ou grande.
« Un CFO qui connaît son business-model en détail peut voir arriver un souci à trois ou quatre mois d’avance, et donc l’anticiper », estime Martin Hedman : souci de liquidités, carnet de commandes vide, augmentation de taux… S’il ne va pas trouver la solution seule, car le CEO est à même de trancher, il va participer à élaborer des solutions.
En cela, le CFO est le véritable bras droit d’un dirigeant et il est fréquent de parler de « couple » pour désigner les personnes qui occupent ces deux fonctions. « Le CEO c’est la tête qui regarde où aller, le CFO c’est les jambes, qui fait en sorte qu’on y arrive », estime Yvan Cardenas.
Évidemment, ce rôle prospectif varie selon le secteur d’activité et la phase de développement de l’entreprise. « Plus la société est en croissance, plus la fonction prospective est cruciale et le CFO peut avoir une vraie responsabilité de pilotage. Pour ma part, j’échange souvent avec le CEO, pour l’aider à filtrer ses idées rapidement, partir sur des pistes qui me semblent réalistes », témoigne le dirigeant de Swissquote. Ce qui demande d’avoir une équipe solide pour la gestion du quotidien.
Quelles compétences sont indispensables ?
La négociation, importante pour les prises de décisions internes comme externes
La rigueur, pour le respect des obligations légales, une base absolue
La capacité à décider rapidement, particulièrement dans un environnement complexe
Etre polyglotte : les normes comptables et financières sont anglophones, mais les centres de décisions financiers en Suisse ont tendance à se replier côté alémanique. Par ailleurs, au niveau international, le mandarin gagne en importance.
La communication et l’écoute : garder un lien avec le terrain, faire comprendre ses décisions est indispensable à ce poste.
Un goût pour le digital : ce domaine prend un rôle croissant dans les finances, comprendre ses évolutions voire ses mécanismes devient incontournable
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Comment devenir CFO ?
Parfois, on exerce la fonction sans qu’elle soit nommée ! « Quelquefois on nomme un financial controller ou manager…qui de fait exerce le rôle de CFO », observe Yvan Cardenas.
Parmi les voies royales, les brevets et diplômes fédéraux dans le domaine de la finance. Et le fait d’avoir une spécialité dans le domaine financier. « Quand un Conseil d’administration ou une direction pensent à un CFO, ils veulent un expert dans un domaine : aspects fiscaux, ou flux financiers de l’entreprise, activité et son impact sur situation financière, spécialiste du budget… », estime Martin Hedmann.
Cette expertise doit appuyer la direction de l’entreprise à construire son assise et son positionnement. Cette expertise est souvent le fruit d’une expérience solide, fruit de plusieurs années d’exercice dans le domaine, ou alors de travail intensif dans des cabinets spécialisés (KPMG, Ernst & Young, etc.) Dans tous les cas, « il y a autant de CFO que d’entreprises. Il n’existe aucun modèle standard », conclut Yvan Cardenas. A chacun de construire cette fonction à partir de ses envies, ses forces, sa personnalité, son bagage…et son contexte professionnel !
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