Les thèmes de l’article:

Pas de chômage, des métiers très divers, et des débouchés dans une vaste série de secteurs : la fiscalité recrute et son besoin de compétences n’est pas prêt de se tarir. Explications.

Résumé

La complexification et le développement accéléré du droit fiscal ces vingt dernières années ont conduit à l’autonomisation accrue du métier de fiscaliste. La fiscalité d’entreprise, en particulier, nécessite des compétences toujours plus précises, car les besoins en la matière se sont accrus.

Le métier offre une grande diversité de voies professionnelles, de spécialités, et permet de côtoyer de nombreux secteurs d’activités. Le rôle de fiscaliste est particulièrement gratifiant lorsqu’il permet de conseiller des entrepreneurs et de développer des solutions sur mesure. Les cryptomonnaies et la TVA offrent des débouchés de plus en plus recherchés.

Un secteur vaste

Entreprises, particuliers, collectivités publiques : tout le monde doit s’acquitter de taxes ou d’impôts. La fiscalité structure l’ensemble de nos sociétés, elle est universelle et concerne tout le monde. En soi, son champ d’action est donc absolument immense.

Au sein de ce vaste secteur, c’est le travail consacré aux entreprises qui se développe le plus. « Indépendants, multinationales, PME, fondations ou associations : toutes les organisations ont des questions fiscales spécifiques. C’est clairement le secteur le plus vaste, qui offre la plus grande marge de manœuvre et qui offre le plus de variété, selon le canton, la forme de l’entreprise… », explique Christian Florey, expert fiscal diplômé au sein de la fiduciaire FIDAG, à Sion.

Un domaine qui s’est autonomisé

Par le passé, les questions fiscales étaient associées aux questions comptables. Il était assez courant au sein d’une entreprise qu’une ou un responsable des finances traite aussi les questions fiscales. Mais au fil des années, ces questions se sont autonomisées. Pourquoi ? « Ce ne sont pas les mêmes bases légales : la comptabilité est régie par le code des obligations, la fiscalité dépend des lois fiscales » décrypte Maria-Pia Vullyamoz, experte en finance et controlling à Lausanne. Cela n’empêche pas certains responsables de continuer à gérer les deux domaines. « On peut être ‘mixte’, quand on réalise des tâches généralistes. Mais dès que la problématique se complexifie, comme pour un médecin, il faut avoir recours à des spécialistes », observe Maria-Pia Vullyamoz.

De plus en plus d’entreprises ont désormais leur spécialiste fiscal, qu’il soit à son compte, au sein d’un cabinet spécialisé, ou associé dans une fiduciaire. Dans les structures plus conséquentes (très grandes PME, multinationales), cela peut prendre la forme d’un poste voire d’un service à part. « Quasi toutes les entreprises ont recours à ces compétences spécialisées aujourd’hui, qu’il s’agisse de traiter la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), évaluer ses impôts anticipés, évaluer la fiscalité possible sur sa fortune…», énumère Maria-Pia Vullyamoz. Impôts directs ou indirects demandent en effet un traitement et une logique différenciée.

Des besoins croissants qui ont pour conséquence…une grande diversité de cas à traiter pour les spécialistes du secteur ! « La plupart du temps, le métier d’expert fiscal s’exerce aujourd’hui dans une fiduciaire ou un cabinet dédié. Nous avons une multitude de clients et de problématiques : l’expérience ne se limite donc pas à une entité, on croise toute une série d’entreprises, de secteurs, de questionnements », détaille Christian Florey. Selon la taille de la fiduciaire, ce qui peut varier pour le ou la fiscaliste c’est le nombre d’échanges avec des collègues, ainsi que de conseils: une grande structure permet davantage d’interactions.

Un champ sujet à des évolutions constantes et accélérées

La fiscalité évolue en permanence et de manière accélérée, voire en permanence. « En 20 ans, il n’y a pas eu une année sans modifications législatives : TVA, impôt anticipé, impôts directs sur les sociétés… Le législateur intervient souvent, il faut se tenir à jour, anticiper les changements », assure Christian Florey. Un secteur dynamique donc, qui s’adapte aux évolutions de la société.

Les changements intervenus récemment sont pour l’ensemble une série de nouvelles règles d’imposition des entreprises, dues à l’évolution des standards internationaux. Elles ont pour but de lutter contre les abus, mais aussi favoriser le développement économique. Au final, ces multiples couches de législation s’enchevêtrent et rendent la prise de décision en la matière particulièrement technique et sensible.

« Le champ s’est extraordinairement densifié et complexifié ces dernières années. Il est devenu impossible pour une entreprise ou un particulier de gérer cela tout seul, d’où le besoin croissant de spécialistes », estime Maria-Pia Vullyamoz. Un besoin qui n’est de loin pas satisfait : les experts en poste, qui sont souvent en recherche de collègues qualifiés ou de compétences spécialisées n’hésitent pas à parler de « pénurie ».

Des besoins stratégiques

A quel moment exactement une société a-t-elle besoin d’une ou un spécialiste fiscale ? « Dès qu’elle se développe ! Nouveaux produits, ouverture d’une filiale, achat construction d’une annexe…Dans chaque étape entrepreneuriale il y a un volet ressources humaines, comptable…et fiscal. C’est une étape qu’il ne faut pas rater, au même titre que certaines phases de transition dans une vie individuelle comme l’achat d’un logement ou le départ à la retraite », décrit Maria-Pia Vullyamoz.

Le principal rôle d’un fiscaliste est de rendre le coût fiscal escompté le plus faible possible. Évidemment, une entreprise connaît aussi ces enjeux au quotidien : facturations, bouclement de comptes, contentieux à régler. Mais la vraie plus-value d’un spécialiste se joue plutôt dans les phases stratégiques de planification. « À ce moment-là, notre rôle est de proposer des solutions, on doit trouver les moyens de répondre aux objectifs du client, et de la meilleure manière possible. On se base beaucoup sur notre expérience, mais il n’y a jamais de solution toute faite.

C’est une vraie collaboration qui s’installe », explique Christian Florey. « Cette partie du métier est vraiment valorisante : on a l’impression d’apporter quelque chose. Que ce soit pour aider une entreprise familiale à croître, à se transmettre sur la prochaine génération, ou un groupe à développer son activité en Suisse…Et l’échange se fait dans les deux sens : en apportant leur expérience et leur parcours souvent incroyable, les entrepreneurs que l’on côtoie nous apportent énormément aussi. »

Des nouvelles niches

Les spécialités en matière de fiscalité sont multiples. La fiscalité immobilière constitue par exemple une niche en soi. Mais deux domaines offrent des débouchés immédiats, tant les besoins sont importants.

La TVA

Un secteur pour lequel il existe peu de spécialistes. D’une part, car il s’agit d’un impôt très spécifique, perçu sur la consommation qui rend sa perception et le calcul de l’impôt dû très particulier. D’autre part, car son système s’est complexifié avec le temps.

« L’expertise publique est souvent la meilleure des formations », estime Christian Florey. « De manière générale, les administrations cantonales ou l’administration fédérale des contributions sont des lieux de formations très adaptés. Elles permettent d’acquérir d’excellents réflexes. » Lorsque l’on est suffisamment outillé, voire spécialisé, il est tout à fait possible de rejoindre ensuite le secteur privé, estime l’expert. « Le tout est de savoir quand on n’a plus la possibilité de progresser dans secteur public ».

Les cryptomonnaies

La FINMA ayant posé un cadre à l’exploitation des cryptomonnaies, une véritable industrie en la matière s’est développée, en particulier dans le canton de Zug, mais Vaud, Genève ou Neuchâtel sont aussi concernés. Les questions fiscales en la matière connaissent des évolutions rapides et nécessitent une expertise pointue et critique. « Les formations en matière de fiscalité et de produits digitaux sont en plein essor, et suivent la législation qui se développe rapidement », observe Luc Oesch, CFO du Centre Patronal.

La formation idéale pour être expert fiscal ?

Être expert fiscal demande de savoir lire aussi bien le bilan d’une entreprise que les textes législatifs qui y sont consacrés.

Des formations tertiaires se sont aussi multipliées dans le domaine : masters universitaires en fiscalité, Certificate of advanced Studies dans la gestion de PME ou la transmission d’entreprise. Ils apportent un savoir solide, mais qui reste généraliste.

Un diplôme d’Expert fiscal reste la clé pour pouvoir évoluer dans ce domaine. Il s’obtient en consacrant une expérience professionnelle. Soit après sept ans de pratique dans le département fiscal d’une organisation (administration, fiduciaire, banque, assurance), et souvent après avoir déjà obtenu un bachelor ou master en droit ou en HES ou HEC (filière gestion). En matière de connaissances, le diplôme fédéral d’expert en finance et controlling offre la base la plus solide pour devenir ensuite expert fiscal.

Pour se démarquer dans le domaine, rien ne vaut la pratique confirment tous les experts interrogés. Les grands cabinets (KMPG, Deloitte…) restent des écoles très utiles au démarrage d’une carrière, au même titre que les administrations fiscales. La demande d’experts est réelle et très souvent, les profils jeunes sont rares. A noter que pour s’épanouir dans le domaine, la maîtrise de l’allemand est indispensable (la jurisprudence n’étant pas toujours traduite).

Intervenants dans l’article

Christian Florey

LinkedIn

Expert fiscal diplômé au sein de la fiduciaire FIDAG

Maria-Pia Vullyamoz

LinkedIn

Experte en finance et controlling à Lausanne

Luc Oesch

LinkedIn

Directeur des finances, de la prévoyance, des technologies et des services généraux au Centre Patronal

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