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Changer de secteur ou bifurquer vers un autre métier après des années d’activité : un pari qui peut être gagnant. Quelques conseils pour une transition de carrière réussie et durable.
Faire un bilan de compétences, quitter son entreprise, changer de poste et tout recommencer : la reconversion professionnelle a le vent en poupe. D’ici dix ans, près de la moitié des métiers existants n’auront plus de sens en l’état, selon certains professionnels des ressources humaines. En cause, entre autres, la digitalisation et les mutations écologiques profondes qui changent notre manière de travailler et nos métiers. Pour autant, une reconversion ne s’improvise pas. Voici comment mener à bien son projet professionnel.
1. Cohérence et motivation : mûrir sa décision
Votre envie de changer de métier répond-elle à une aspiration profonde ou s’agit-il plutôt d’une perte de motivation temporaire ? Pour faire le tri, et surtout prendre du recul avant de vous lancer dans un nouveau domaine, n’hésitez pas à vous tourner vers vos proches, qui vous connaissent le mieux. « Nous avons tous des personnalités qui correspondent mieux à certains secteurs. Si ma famille m’avait déconseillé les ressources humaines, je n’aurais pas bifurqué », explique Axel Barré, 33 ans, ancien commercial devenu assistant en ressources humaines après une reconversion entamée en 2019 chez Romandie Formation.
Vous êtes décidé à changer de travail ? Il ne s’agit pas de foncer tête baissée sur une formation ou un métier, mais de comprendre sur quoi vous pouvez capitaliser, quels sont vos compétences & savoir-être, mais aussi quels sont vos vrais centres d’intérêt (qui ne correspondent pas toujours au savoir technique !) Pour ce faire rien de tel que d’entamer un bilan de compétences. Si des formulaires gratuits en ligne existent, il peut être très utile de faire appel à un coach à ce stade, estime Alain Python, chargé de cours du Brevet fédéral en Ressources Humaines chez Romandie Formation et responsable de la réadaptation professionnelle à l’office AI du canton de Vaud. Un accompagnement personnalisé « permet souvent d’économiser du temps et de l’argent et d’être plus lucide quant au parcours passé et aux projections futures ».
La lucidité est en effet importante. Il s’agit de connaître ses limites physiques, financières, psychiques : avoir 35 ou 50 ans, gérer des enfants ou non, être malade chronique change votre situation de vie et doit être pris en compte. Enfin, êtes-vous réellement prêt à reprendre des études, avec la disponibilité intellectuelle et temporelle que cela demande ? Votre bagage scolaire vous permet-il de suivre la formation que vous visez ? « Attention à ne pas viser trop haut : en cas d’échec, outre le temps et l’argent perdu, l’espoir déçu peut engendrer une grande démotivation, » observe Alain Python.
Il conseille d’évaluer si les prérequis d’entrée exigés sont remplis pour pouvoir profiter pleinement d’une formation (via un questionnaire à choix multiples en ligne, par exemple). Enfin, si changer de secteur demande de se former et d’apprendre de nouveaux savoir-faire, capitaliser sur ses acquis reste important pour, par exemple, rassurer un employeur. « Engager un demandeur d’emploi de 50 ans qui entame une formation ou démarre dans un job peut être un choix difficile pour une entreprise », reconnaît Alain Python. « Aussi, pouvoir s’appuyer sur des compétences expérimentées est un atout. » Enfin, la meilleure manière de se renseigner sur la réalité du métier c’est encore de le tester : si vous avez la possibilité de faire un stage, une immersion ou une observation de quelques jours, d’aller discuter avec des responsables, vous gagnerez du temps. Et vous saurez rapidement si ce secteur et ses évolutions sont faits pour vous.
2. Savoir profiter des opportunités :
Axel Barré s’interrogeait depuis un moment sur sa vocation. « Quand le Covid est arrivé, je me suis dit qu’il y aurait des changements dans le monde du travail et je me suis dit que peut-être c’était le moment pour moi de changer. » Sachez mettre à profit les imprévus ou contretemps dans votre carrière ou dans votre vie privée pour gagner en compétences et entamer votre mutation. Des congés, une période de ralentissement d’activité permettent de prendre du champ ou faire le point.
N’hésitez pas à négocier. Si vous entamez un changement « horizontal », au sein de votre entreprise, n’hésitez pas à solliciter un soutien de votre employeur. Parfois des aides de branche existent aussi. Enfin, si vous souhaitez à terme quitter l’entreprise, rien ne vous empêche de solliciter un aménagement ponctuel. « J’ai entamé une formation de six mois tout en restant employé à 100%. J’ai simplement demandé à ce que mon jour de congé puisse être déplacé pour correspondre au jour de la formation, ce que mon employeur a accepté », explique Axel Barré
Enfin, renseignez-vous sur les nouveaux métiers. Et étudiez en détail le secteur d’activité que vous visez: est-il en pleine saturation ou au contraire de nouveaux postes y sont-ils créés? « Beaucoup de gens souhaitent se reconvertir dans des métiers d’aide, qui souvent sont saturés : la concurrence y est féroce », explique Alain Python. La cybersécurité, au contraire, est en pénurie systémique.
Renseignez-vous sur la diversité des métiers existants dans les Centres d’orientation scolaire et professionnelle, lisez les plans de formations détaillés sur orientation.ch, échangez avec des acteurs du marché pour comprendre les dynamiques en cours.
Et si vous entamez une formation, tirez-en profit au maximum. « Une reconversion demande plus qu’à tout autre moment d’être curieux, de lire la presse, de sortir ses antennes. C’est le moment de s’intéresser à toutes les évolutions du domaine. Quand on se forme on ouvre son réseau, on rencontre toutes personnes d’un secteur, on va au-delà de ce qui nous est enseigné», résume Nelly Barblan, responsable de filière du Certificat de gestionnaire RH de Romandie Formation, experte Human Resource Swiss Exams (HRSE) au Certificat RH et Brevet RH.
3. Organiser sa formation de reconversion
Se reconvertir demande souvent de se former. Ce qui exige du temps, un budget, un investissement personnel particulier. Comment s’y prendre pour réunir ces aspects?
Choisissez une formation qui vous convient. Tous les acteurs insistent : si vous êtes décidé à changer de métier, ce n’est pas le prix d’une formation qui importe mais bien ses modalités, qui doivent correspondre au mieux à votre projet : contenu des cours, public ciblé, organisation, lieu, coût, durée. Comparez tout en détail, car ce sont justement eux qui font la différence. « Si pour une école, vous payez 100 francs de plus mais que cela vous arrange mieux car les cours ont lieu le samedi : foncez ! Il vaut mieux cela que d’opter pour des cours du soir que vous abandonnerez au bout de deux mois car le rythme ne vous convient pas », insiste Nelly Barblan. Pour avoir des informations fiables sur l’organisme de formation n’hésitez pas à vous renseigner « auprès des employeurs, et des organismes professionnels », suggère Alain Python. Enfin, pour comprendre le détail d’une formation, ce que vous pouvez en attendre et comment se passent les cours et se préparent les examens, ne vous contentez pas d’une page web, aussi détaillée soit-elle: « téléphonez directement à l’organisme : les gestionnaires de formation sont là pour vous répondre », assure Nelly Barblan.
Lire aussi : Ce qu’il faut savoir avant d’entamer une formation
Parlez à votre famille, celle-ci doit apporter un appui solide à votre reconversion. « Durant cette période vous aurez moins de temps libre et il vous faudra du soutien pour mener à bien votre projet», explique Nelly Barblan. La dimension organisationnelle et pratique est cruciale. « Comment la formation va-t-elle s’imbriquer dans mon quotidien, entre enfants, conjoint, parents, famille, proches, hobby ? », poursuit l’experte. Il va falloir réorganiser des habitudes durant un temps pour maximiser votre possibilité d’acquérir de nouvelles compétences. « Une formation est chronophage et énergivore. Il faut vraiment programmer cela, et gérer son planning. L’idéal reste de pouvoir diminuer son temps de travail de 10 ou 20% afin de structurer ses révisions. Pour ma part, j’ai dédié mon jour de congé à cela et j’ai pu tenir ce rythme six mois. Mais un an aurait été trop », explique Axel Barré qui a suivi les cours du Certificat en Ressources humaines.
Le budget reste une question cruciale. A moins que la reconversion soit entamée pour des motifs de santé, il vous faudra sans doute investir un peu de vos économies. Mais des aides ponctuelles existent, énumère Alain Python : dans certains secteurs en tension, un employeur peut accepter de participer à votre formation. Sous condition de ressources, votre Canton peut apporter un appui. Et en fonction de votre bagage (formations précédentes et expérience professionnelle), « certains semestres de cours peuvent être reconnus pour vous permettre d’aller plus vite dans votre formation », pointe Alain Python. Il s’agit cependant toujours de situations sur-mesure. Le mieux reste de se renseigner auprès de votre organisme cantonal chargé de la formation professionnelle.
Enfin, et c’est non négligeable, pour réussir votre reconversion, « la motivation est un élément-clé », pointe Nelly Barblan. Une personne qui entame une formation à la demande de l’employeur ou pour évoluer dans sa hiérarchie n’a pas la même démarche que quelqu’un qui change du tout au tout de secteur et doit tout apprendre. « Se donner les moyens de changer de travail demande une motivation profonde et réelle », observe l’experte. Restez connecté à votre but, c’est ce qui vous permettra de passer haut la main des épreuves parfois difficiles. « J’ai dû apprendre à lire des textes de loi, me repérer dans le code des obligations, la jurisprudence : beaucoup d’outils compliqués à prendre en main quand on débute. Mais lorsqu’on apprend pour comprendre le sens d’une démarche, cela n’a rien à avoir avec du ‘bachotage ou de l’apprentissage ‘par cœur’. J’avais de plus des formateurs avec des capacités d’humour et de pédagogie qui ont rendu l’apprentissage vraiment plus sympa et facile à mémoriser », témoigne Axel Barré.
4. Se vendre auprès d’un employeur
Vous avez passé votre diplôme dans un nouveau secteur d’activité ? Bravo ! Maintenant il vous faut trouver un emploi, dans un domaine que vous venez de découvrir. Pour ce faire, quelques attitudes sont clés. D’abord mettez en avant votre démarche de reconversion qui témoigne de votre capacité à vous remettre en question. Aimer apprendre et gérer l’incertitude et le changement sont des qualités recherchées. « Une personne qui débute affrontera non pas 4 ou 5 contextes différents mais 4 ou 5 métiers », explique Alain Python.
Ensuite, changez de posture. Vous venez du secteur médical et vous êtes désormais dans la vente ? Outre un nouveau métier, c’est un nouveau rôle social que vous adoptez. Sachez vous adapter. En particulier sur votre prétentions financières : ce n’est pas votre âge mais votre secteur d’activité et votre expérience du secteur qui délimitera votre niveau de rémunération. « Cela vaut particulièrement pour les personnes qui entament un parcours d’indépendant. Parfois les perspectives de gains peuvent entraîner une réduction significative de revenus. D’où l’importance d’une réflexion préalable en profondeur sur la situation de vie avant d’entamer une reconversion », pointe Alain Python.
Enfin, un mot-clé reste l’humilité. « Quand on entame une reconversion, il faut accepter de commencer tout en bas. On repart de zéro, c’est impossible de passer à côté. C’est tout un métier qu’il va falloir apprendre », pointe Frédéric Bonjour, directeur de Romandie Formation. Autrement dit, vous avez obtenu un diplôme, mais celui-ci n’est que la première marche d’un nouveau parcours qui vient tout juste de démarrer : l’apprentissage professionnel se déroule tout au long de la vie !
En résumé
Pour entamer une reconversion professionnelle, quatre éléments sont à prendre en compte.
D’abord la cohérence de la démarche : est-ce une motivation profonde ou une envie passagère ? Le secteur où vous souhaitez vous lancer correspond-il à votre personnalité, vos compétences et vos envies ? Un bilan de compétences avec un coach vous permettra de faire le point.
Ensuite les opportunités personnelles et professionnelles : est-ce le bon moment de vous lancer, pouvez-vous solliciter l’aide de l’employeur ou un congé dédié pour votre projet ? Le secteur que vous visez est-il en recherche de compétences ?
L’organisation, ensuite, s’avère un aspect-clé: quel organisme de formation choisir ? Quel temps et quel budget avez-vous à disposition ? Bien prendre en compte les aspects pratiques fait partie de la réussite.
Une fois tout cela traversé, reste à vous positionner sur le marché de l’emploi : votre démarche de reconversion est la preuve de votre capacité d’adaptation, elle doit être valorisée pour cela. Malgré tout, vous entamez un nouveau métier, il convient donc de garder, pour démarrer, une bonne dose d’humilité.
Intervenants dans l’article
Nelly Barblan
Responsable de filière du Certificat de Gestionnaire RH au sein de Romandie Formation, experte Human Resource Swiss Examens (HRSE) au Certificat RH et Brevet RH.
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